L’Éléphant
Comme un éléphant son ivoire, J’ai en bouche un bien précieux. Pourpre mort !.. J’achète ma gloire Au prix des mots mélodieux. Guillaume Apollinaire, Le Bestiaire, ou Cortège d’Orphée, 1911 À dos d'éléphant
Supposez Goliath mené par Myrmidon. Le cornac est tout jeune et la bête est énorme. Le palanquin tremblant par instant se déforme Et vous cahote au point de vous estropier Sous ses rideaux de cuir et son toit de papier. Un monstre n'a pas moins de roulis qu'un navire ; Comme un vaisseau chancelle un éléphant chavire, Et vous avez le mal de mer sur Béhémoth. Le cornac, nain pensif, conseille à demi-mot Le colosse, et le monstre écoute et ne se trompe Sur rien, ni sur le gué qu'il sonde avec sa trompe, Ni sur la route à suivre, et jamais l'éléphant N'a peur, pourvu qu'il soit conduit par un enfant. Poète : Victor Hugo (1802-1885)Recueil : Toute la lyre (1888 et 1893). L 'éléphant
Lent Opulent Corpulent L'éléphant Paraît bon enfant Mais l'éléphant ça trompe, ça trompe Mais l'éléphant ça trompe énormément Si on veut le dessiner Il ne tient pas dans la page On ne pourra jamais croquer L’éléphant tout entier. Jacques Gaucheron L'éléphant, poésie trouvée
Regarder là haut Ce qui monte au plafond Cette grosse bête Qui roule à bicyclette C'est un éléphant Mais oui évidemment Avec une queue derrière Et une trompe devant! L'éléphant blanc
Il est très tentant Pour l’éléphant blanc D’aller dans l’étang Mais gare au caïman Ou au grand serpent Qui d’un coup de dent Blesseraient son nez en passant La trompe de l'éléphant
La trompe de l'éléphant c'est pour ramasser les pistaches pas besoin de se baisser. Le cou de la girafe c'est pour brouter les astres pas besoin de voler. La peau du caméléon verte, bleue, mauve, blanche selon sa volonté pas besoin de fuir. La carapace de la tortue, c'est pour dormir à l'intérieur même l'hiver : pas besoin de maison. Le poème du poète c'est pour dire cela et mille et mille et mille autres choses : pas besoin de comprendre. Alain Bosquet Petit éléphant
Petit éléphant a bien du tourment Il ne sait pourquoi il ne sait comment Son père est parti depuis trop longtemps Et l'a laissé seul avec sa maman Petit éléphant ne sait pas l'histoire Des hommes venus pour voler l'ivoire Et pour l'arracher sans aucun remords Sur son père à terre et qui vit encore Petit éléphant lui dit sa maman Reste près de moi je suis ta défense Nous allons prier le Dieu Eléphant De ne pas laisser pousser tes défenses L’éléphant
Je connais un éléphant qui est très élégant. A chacune de ses pattes, il met des gants. C’est effrayant ! Et quand vient la nuit, il met un manteau blanc. C’est stupéfiant ! Bien sûr, deux fois par jour, il se brosse les dents. C’est évident ! ais surtout, surtout, il adore sa maman. C’est épatant ! François Héricourt |
Les éléphants
Le sable rouge est comme une mer sans limite, Et qui flambe, muette, affaissée en son lit. Une ondulation immobile remplit L'horizon aux vapeurs de cuivre où l'homme habite. Nulle vie et nul bruit. Tous les lions repus Dorment au fond de l'antre éloigné de cent lieues, Et la girafe boit dans les fontaines bleues, Là-bas, sous les dattiers des panthères connus. Pas un oiseau ne passe en fouettant de son aile L'air épais, où circule un immense soleil. Parfois quelque boa, chauffé dans son sommeil, Fait onduler son dos dont l'écaille étincelle. Tel l'espace enflammé brûle sous les cieux clairs. Mais, tandis que tout dort aux mornes solitudes, Lés éléphants rugueux, voyageurs lents et rudes Vont au pays natal à travers les déserts. D'un point de l'horizon, comme des masses brunes, Ils viennent, soulevant la poussière, et l'on voit, Pour ne point dévier du chemin le plus droit, Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes. Celui qui tient la tête est un vieux chef. Son corps Est gercé comme un tronc que le temps ronge et mine Sa tête est comme un roc, et l'arc de son échine Se voûte puissamment à ses moindres efforts. Sans ralentir jamais et sans hâter sa marche, Il guide au but certain ses compagnons poudreux ; Et, creusant par derrière un sillon sablonneux, Les pèlerins massifs suivent leur patriarche. L'oreille en éventail, la trompe entre les dents, Ils cheminent, l'oeil clos. Leur ventre bat et fume, Et leur sueur dans l'air embrasé monte en brume ; Et bourdonnent autour mille insectes ardents. Mais qu'importent la soif et la mouche vorace, Et le soleil cuisant leur dos noir et plissé ? Ils rêvent en marchant du pays délaissé, Des forêts de figuiers où s'abrita leur race. Ils reverront le fleuve échappé des grands monts, Où nage en mugissant l'hippopotame énorme, Où, blanchis par la Lune et projetant leur forme, Ils descendaient pour boire en écrasant les joncs. Aussi, pleins de courage et de lenteur, ils passent Comme une ligne noire, au sable illimité ; Et le désert reprend son immobilité Quand les lourds voyageurs à l'horizon s'effacent. Charles-Marie LECONTE DE LISLE (1818-1894) Le Rat et l'Éléphant
Se croire un personnage est fort commun en France. On y fait l'homme d'importance, Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois : C'est proprement le mal François. La sotte vanité nous est particulière. Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière. Leur orgueil me semble en un mot Beaucoup plus fou, mais pas si sot. Donnons quelque image du nôtre Qui sans doute en vaut bien un autre. Un Rat des plus petits voyait un Éléphant Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent De la bête de haut parage, Qui marchait à gros équipage. Sur l'animal à triple étage Une Sultane de renom, Son Chien, son Chat et sa Guenon, Son Perroquet, sa vieille, et toute sa maison, S'en allait en pèlerinage. Le Rat s'étonnait que les gens Fussent touchés de voir cette pesante masse : Comme si d'occuper ou plus ou moins de place Nous rendait, disait-il, plus ou moins importants. Mais qu'admirez-vous tant en lui vous autres hommes ? Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants ? Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes, D'un grain moins que les Éléphants. Il en aurait dit davantage ; Mais le Chat sortant de sa cage, Lui fit voir en moins d'un instant Qu'un Rat n'est pas un Éléphant. Jean de la Fontaine Les Fables VIII L'éléphant rose et la souris blanche
L'éléphant rose, un jour bouscula la souris (pour un éléphant rose ,il était un peu gris !) ; la souris quoique blanche, en eut une peur bleue, (surtout que le balourd lui marcha sur la queue ! "madame, excusez-moi, vraiment je suis navré..." (il était si confus qu'il en aurait pleuré!) Un éléphant qui pleure, est-il pire infortune ? La souris toute émue, oublia sa rancune : "Ce n'est rien, lui dit-elle en le réconfortant, J'aurais pu vous en faire autant." On tirera de cette histoire une double moralité : d'abord qu'un éléphant ne doit jamais trop boire (et cela ne pas hésiter à le dire, à le répéter !) mais surtout que ma souris blanche est un fort bon exemple à donner aux enfants : pour peu qu'elle eut pris sa revanche, qu'eussions-nous fait de l'éléphant ? |